“Libre”, “open source”, “open data” : est-ce la même chose ? Décryptage de ces notions-clés pour les acteur·trices de la solidarité internationale

31 May 2022

Ce post de blog fait suite au wébinaire "Les idées reçues des OSC sur l’open : parlons open source et open data !" organisé le 17 mai 2022 par CartONG en collaboration avec Ritimo dans le cadre de 5 sessions de sensibilisation prévues de la mi-mai à la mi-juin 2022 pour décrypter les enjeux de la gestion des données programmes au sein du secteur de la solidarité internationale. L'enregistrement de ce webinaire est disponible sur la chaîne YouTube de CartONG.

Les secteurs humanitaire et du développement, comme beaucoup d’autres, bénéficient des apports des technologies libres et/ou open source et du partage de données ouvertes. Néanmoins, on constate la persistance d’un certain nombre d’idées reçues sur ces notions au sein du secteur, ce qui n’est pas sans conséquence sur les choix d’outils numériques faits par les ONG.

En effet, à l’exception de certaines “success stories” open, le secteur reste globalement assez frileux - sans que cela soit par mauvaise volonté - concernant l’adoption de solutions ou d’une pleine démarche open source ou bien la libération de certains de leurs jeux de données. Il y a plusieurs raisons à cela, l’une d’elle étant justement la méconnaissance des concepts et des possibilités offertes par l’open.

Afin de bien comprendre les notions-clés de l’open, ce post de blog propose ainsi de revenir sur les définitions de base liées au sujet. Dans un second post de blog, nous rentrons davantage dans le sujet et revenons, notamment, sur 4 grandes idées reçues du secteur portant plus spécifiquement sur l'open source.

Le Libre

L'idée des logiciels libres est née d'un mouvement fondé par Richard Stallman, programmeur et militant du logiciel libre, connu comme étant à l'origine du projet GNU en 1983 et l’auteur de la licence GPL (General Public License). L’objectif du projet GNU était de créer tout un système d'exploitation entièrement libre en réaction à la pratique de l'époque, qui consistait à garder secret le code source des logiciels. Ce type de principe est à l'origine de Linux : famille de système d'exploitation libre.

Le logiciel libre repose sur l’idée de permettre la liberté aux utilisateur·trices dans l’utilisation, la modification du code source, ainsi que la redistribution du logiciel. Selon la Free Software Foundation (FSF) pour qu’un logiciel soit considéré comme “libre”, il doit respecter quatre règles :

  1. “La liberté d'exécution du programme dans n'importe quel but
  2. La liberté d'étude et de modification du programme
  3. La liberté de redistribution du programme tel qu'il nous a été envoyé
  4. La liberté de redistribuer les versions modifiées du programme”
Pour aller plus loin :

L’open source

L’open source est, tout comme le libre, un modèle de développement logiciel, prônant l’ouverture et la collaboration via la libre distribution du code source. Ce type de logiciel est développé de façon collaborative et décentralisée. La conception et le développement de tels logiciels sont placés entre les mains de communautés d’utilisateur·trices et/ou de développeur·ses qui font évoluer ces logiciels. Chacun·e peut apporter sa contribution, laquelle sera passée en revue par les autres membres d’une communauté.

Le terme “open source” fut originellement proposé pour éviter la possible confusion entre gratuité et logiciel libre induit par l’anglais (libre et gratuit se traduisant tous les deux par “free”) mais il fut bientôt associé avec des points de vue philosophiques différents de ceux du mouvement du logiciel libre. Selon Richard Stallman, la différence fondamentale entre les deux concepts réside dans leur philosophie : “L'open source est une méthodologie de développement ; le logiciel libre est un mouvement social”. Autrement dit, le concept d’open source a des implications techniques (ouverture du code source) tandis que le concept de libre implique à la fois les considération techniques de l’open source et des considération sur le plan de l’éthique. Ainsi, l’Open Source Initiative (OSI) s’est construite en opposition à la FSF qui porte le projet GNU et la licence GPL. L’OSI a défini l’open source en émettant ses propres critères (10) et en promouvant ses propres licences (BSD, MIT, etc.).

Pour aller plus loin :

Exemples de projets libres et open source : Nextcloud, LibreOffice, QGIS, etc.

Exemples de projets open source : ODK, CommCare, etc.

L’open data

La question des données ouvertes s’est posée dès la fin des années 90. L’expression “open data” est apparue la première fois en 1995 dans une publication scientifique du Nation Research Council américain intituléeOn the Full and Open Exchange of Scientific Data”. Il faudra attendre 2005 pour qu’un fondement juridique du “savoir ouvert” soit adopté avec l’Open Definition de l’Open Knowledge Foundation. Il s’agit d’une extension de l’open source aux connaissances.

Les open data, ou données ouvertes, sont des données auxquelles l’accès est totalement public et libre de droit, au même titre que l’exploitation et la réutilisation. Selon l’Open Knowledge Foundation, les critères essentiels de l’open data sont “la disponibilité et l’accès, la réutilisation et la distribution, et la participation universelle : 

  • Disponibilité et accès : Les données doivent être pleinement accessibles, moyennant un coût de reproduction raisonnable. De préférence, elles se téléchargent sur Internet. La forme doit être confortable et modifiable.
  • Réutilisation et redistribution : Les données doivent être fournies sous des conditions permettant la réutilisation et la redistribution, incluant le mélange avec d’autres jeux de données.
  • Participation universelle : Tout le monde doit être en mesure d’utiliser, de réutiliser et de redistribuer les données. Il ne doit y avoir aucune discrimination concernant les fins d’utilisation, ou contre des personnes ou des groupes. Par exemple, des restrictions non commerciales qui empêchent l’utilisation commerciale, ou les restrictions d’usage à certains secteurs, ne sont pas compatibles avec l’open data.”

Ces trois critères sont l’essence de l’open data, car ils autorisent l’interopérabilité des données qui est la capacité de de travailler avec des différents jeux de données de sources différentes. Les open data sont légalement ouvertes, ce qui signifie que l’accès aux données est légal, au même titre que l’exploitation, le partage et la modification. Tout comme l’open source, des licences sont prévues à cet effet en autorisant et encadrant l’accès libre et la réutilisation des données ouvertes.

Pour aller plus loin :

Exemple de bases de données ouvertes ou de plateformes donnant accès à des données ouvertes : OpenStreetMap, HDX, Natural Earth, World Bank Open Data, plateformes nationales comme Kenya Data Portal, Open Government Data Platform for India, Portal Brasileiro de Dados Abertos, Data Indonesia Dalam Satu Portal, etc.

Le logiciel propriétaire

Un logiciel propriétaire est un logiciel qui ne permet pas légalement ou techniquement ou limite très fortement l’exercice des quatre libertés logicielles que sont l'exécution du logiciel pour tout type d'utilisation, l'étude de son code source (et donc l'accès à ce code source), la distribution de copies, ainsi que la modification du code source. L’utilisateur·trice de solutions propriétaires doit acheter une licence pour une période donnée ou un nombre d’utilisateur·trices donné.

Exemple de logiciels propriétaires : Suite Microsoft Office, outils Google collaboratifs, outils SIG d’Esri, Ona, Survey CTO, etc.

Les données fermées

Les données fermées restreignent l’accès à l’information de plusieurs façons possibles :

  • Les données sont brevetées ou propriétaires.
  • Les données sont restreintes à certains groupes ou qu’à certaines personnes au sein d’une organisation.
  • Les données qui sont difficiles d’accès, comme les données uniquement disponibles sur du papier et qui n’ont pas été numérisées.

N.B : Si le modèle propriétaire/fermé est souvent opposé au modèle open, il est bon de noter qu’en réalité que ce soit pour les solutions logicielles ou pour les données, la typologie n’est pas forcément binaire mais ressemble plus à un spectre ou un continuum entre le propriétaire / fermé et l’open

Exemples de données fermées : les données de Google Maps ou Bing Maps, Esri Data, certains jeux de données des instituts nationaux statistiques ou géographiques comme l’USGS, l’IGN, Survey of India, l’lNSEED Togo, etc.

 


La présente publication bénéficie du soutien de l’Agence Française de Développement (AFD) et du Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères. Néanmoins, les idées et les opinions présentées dans cette publication ne représentent pas nécessairement celles de l’AFD et du CDCS.