8 manières d’adapter votre suivi & évaluation pendant la pandémie de Covid-19

21 May 2021

Ce post de blog a été initialement rédigé en anglais par Janna Rous, spécialiste de la gestion de l'information humanitaire et fondatrice de Humanitarian Data Solutions. La version traduite en français a été publiée sur le CartoBlog en 2020 (plus d'informations ci-dessous). Elle a été transférée sur l'IM Resource Portal en mai 2021. La version originale de ce post en anglais est disponible ici. Un grand merci aux bénévoles de CartONG pour la traduction !

Vous voici tout d’un coup coincé chez vous à cause du nouveau coronavirus. Vous songez à vos engagements de Suivi & Evaluation (S&E) et à vos programmes. Faut-il tout suspendre ? Reporter à la fin de la menace causée par le coronavirus et au retour à la normale ? Ou serait-il possible d’atteindre ces objectifs malgré tout ? Cet article propose 8 façons d’adapter votre Suivi & Evaluation pendant la durée de la pandémie.

1- Entretiens téléphoniques plutôt qu’en face à face

Avez-vous prévu des évaluations auprès de ménages, des enquêtes de référence ou un suivi post-distribution dans les 1 à 3 prochains mois ? Vous serait-il possible de réaliser ces entretiens au téléphone ou par appel WhatsApp ? C’est la façon la plus simple et la plus directe de poursuivre votre plan de Suivi & Evaluation. Au lieu d’un entretien en face à face, faites-le au téléphone. Voici plusieurs points à envisager lors de la transition vers une méthodologie téléphonique :

  1. Il vous faut les noms let les numéros des personnes qui doivent être interrogées. Les avez-vous ? Un chef de communauté pourrait-il vous aider à les obtenir ?
  2. Attendez-vous à ce que BEAUCOUP de gens ne répondent pas au téléphone. Au lieu d’un « échantillon », il faudrait peut-être prévoir d’appeler chaque personne sur votre liste.
  3. Comme lors d’un entretien en face à face, il faut savoir ce que vous comptez dire. Prévoyez votre discours de présentation, et de recueillir le consentement de votre interlocuteur à répondre à un questionnaire téléphonique. Il est préférable d’avoir un guide d’entretien structuré, comme pour un entretien en face à face.
  4. Il vous faut également un moyen de noter les données lorsque vous posez vos questions. Tout dépend de ce que vous maîtrisez – mais je vous conseille de préparer un questionnaire ODK ou avec KoboToolbox, comme vous le feriez pour une évaluation en personne, et de le compéter pendant l’entretien téléphonique. Je trouve que c’est plus simple d’entrer des données dans un formulaire en ligne KoboToolbox   que dans l’application mobile, car je peux taper les informations plus rapidement sur mon clavier d’ordinateur qu’avec mes pouces. Faites avec ce que vous avez sous la main !
  5. Si vous n’êtes pas à l’aise avec KoboToolbox, vous pourriez aussi préparer un tableau Excel pour entrer les réponses directement. Sachez cependant que cela vous demandera un nettoyage des données bien plus important par la suite.
  6. Lors d’un entretien, il est généralement plus rapide de noter les réponses dans la langue que vous employez avec votre interlocuteur. Si vous avez besoin de données finales en français, revenez sur la traduction après avoir raccroché.
  7. Si vous souhaitez enregistrer l’entretien, obtenez l’autorisation de votre interlocuteur. Si la personne est d’accord, enregistrez cet accord et faites-lui confirmer si besoin.
  8. Très pragmatiquement – si vous avez de nombreux appels dans la journée, ce sera plus confortable pour votre bras et votre cou si vous utilisez un casque au lieu de tenir votre téléphone toute la journée !

Pour plus d’information sur comment conduire un entretien par téléphone, découvrez la checklist proposée par Janna ici.

2- Collectez des vidéos et photos directement auprès des ménages et de communautés

Quand on fait des activités de S&E en personne, on peut toujours observer la situation. On peut faire un tour et VOIR l’impact, pas seulement en entendre parler à travers un entretien individuel ou une discussion de groupe. Si vous assurez votre Suivi & Evaluation à distance, vous ne pouvez pas vérifier à quoi ressemble l’impact par vous-même. Je vous conseille donc :  

  1. De contacter autant de bénéficiaires et de membres d’équipe que possible par WhatsApp ou une autre application de communication, et de collecter des données photo et vidéo directement auprès de ces personnes.
  2. Des vidéos : quelqu’un a peut-être un récit d’impact qui peut être partagé avec vous par vidéo. Ou, si vous supervisez une clinique de soins primaires, vous pouvez peut-être demander à un membre de l’équipe de vous faire une visite filmée pour que vous puissiez faire votre évaluation à distance.
  3. Des photos : vous pouvez peut-être, par exemple, demander à tout le monde de vous envoyer une photo des installations de lavage de mains avec savon et eau (si vous assurez le suivi d’un programme EHA). Ou peut-être avez-vous besoin d’une confirmation que le point d’eau local fonctionne. 
3- L’évaluation finale d’un programme

C’est une bonne pratique que de procéder à une évaluation finale quand la fin d’un programme est atteinte. Si un de vos programmes s’achève dans les prochains 1 à 3 mois et que vous souhaitez en faire l’évaluation, vous pouvez aussi le faire à distance !

  1. Dressez la liste de tous les acteurs avec qui il seraient utile de parler. Les collaborateurs, quelques bénéficiaires, les autorités gouvernementales (locales et/ou nationales), d’autres ONG, groupes de coordination, organismes partenaires, chefs de communauté locaux.
  2. Il faudra ensuite obtenir leurs numéros, adresses mails, comptes Skype ou WhatsApp et les contacter.
  3. C’est mieux si vous pouvez avoir une conversation vidéo avec autant de ces contacts que possible. C’est plus personnel, et donc facile de communiquer quand on voit le visage de son interlocuteur ! Mais si vous pouvez seulement avoir un échange audio, c’est déjà bien.
  4. Préparez un entretien semi-directif, avec une liste de questions autour de l’impact dont vous voulez discuter ; ce qui s’est bien passé, ce qui aurait pu être mieux. Si un point intéressant ressort, n’hésitez pas à poser de nouvelles questions. Ou à sauter des questions qui n’ont pas de sens dans le contexte.
  5. Vous pouvez aussi réunir tous les rapports et analyses de suivi déjà faits sur le projet pendant sa mise en œuvre. Essayez aussi de grouper des photos des interventions.
  6. Utilisez toutes ces informations pour créer un document final d’évaluation avec les « leçons apprises ». C’est une excellente façon d’être dans un processus d’amélioration continue pour vos programmes humanitaires.
4- Adaptez votre plan de groupe de discussion

Si tout le monde est chez soi car votre pays impose un confinement, il sera très difficile de réunir votre groupe de discussion, car… on ne peut pas être en groupe ! Vous devez donc, avec votre équipe, envisager de modifier votre processus de collecte de données en passant d’une collecte de données quantitatives avec une discussion de groupe à des entretiens téléphoniques individuels avec plusieurs personnes pour obtenir les mêmes informations.

Vous n’aurez pas la même dynamique en entretien individuel, en particulier pour des informations qui émergent plutôt en discussions de groupe (si vous collectez des données sensibles ou « tabou ».) Tachez d’identifier quels éléments ce serait, et passez ce type de questions pour le moment, ou réfléchissez avec votre équipe à comment collecter ces éléments lors d’appels.

5- Adaptez vos entretiens avec vos informateurs clés

Si vous avez l’habitude d’avoir des entretiens avec votre informateur clés, il serait une excellente idée de penser aux questions « bonus » que vous pourriez poser ce mois-ci, en pleine pandémie du coronavirus.

  1. Si, en temps normal, vous l’interrogez autour du secteur lié à votre programme, envisagez de collecter quelques données supplémentaires sur les ressentis, les besoins, les peurs et les défis qui sont une réalité face au Covid-19. Les personnes doivent-elles affronter des pressions additionnelles causées par la pandémie ? De nouveaux besoins humanitaires existent-ils actuellement ? Peut-on anticiper des besoins à venir ?
  2. Il va sans dire que si vos entretiens avec un informateur clé sont habituellement en personne, il faudra les mener au téléphone pour le moment !
6- La gestion du suivi externe

Certains programmes et donateurs travaillent avec des services tiers pour évaluer les résultats des programmes de façon indépendante. Si vous avez l’habitude de recruter des évaluateurs externes, et que vous avez un suivi externe prévu au cours des prochains 1 à 3 mois, vous devez prendre contact avec cette équipe et vous réorganiser. Voici quelques points à prendre en compte avec vos évaluateurs externes : 

  1. L’évaluateur externe peut-il effectuer son suivi au téléphone, comme décrit ci-dessus ?
  2. A voir également : cela vaut-il réellement la peine de demander à un évaluateur externe d’effectuer un suivi des résultats à distance ? Serait-il utile de reporter le suivi ? Ou est-il préférable de poursuivre ?
  3. Quelle est l’implication budgétaire ? En évitant l’usage de voitures, peut-on réaliser des économies ? Aura-t-on besoin d’un budget supplémentaire pour l’usage de leurs téléphones ?
  4. Assurez-vous qu’il est prévu de réunir autant de données vidéo et photo que possible (voir point 2 ci-dessus !)
  5. Si des entretiens téléphoniques sont prévus, il est préférable d’enregistrer les appels si c’est possible et avec le consentement des personnes interrogées, afin d’en avoir la trace si besoin.
7- Revoir vos attentes – La pandémie du coronavirus peut affecter les résultats de votre programme

Vous n’aviez probablement pas prédit qu’une pandémie mondiale aurait lieu au milieu de votre cycle de programme et viendrait tout chambouler ! Ne mettez pas trop la pression à votre équipe ni à vous-même ! Il est fort probable que les résultats que vous aviez prévus ne soient pas atteints cette année. Vos bailleurs le savent (ils sont probablement confinés eux aussi.) Vous ne pouvez contrôler la pandémie, mais vous pouvez contrôler votre réaction. Gérez vos attentes de façon proactive, celles de votre responsable et de vos bailleurs.

  1. Organisez un appel sur Skype ou Zoom avec les chefs de projets et revoyez chaque indicateur de votre plan de S&E. Au vu de la pandémie, quels sont les objectifs et indicateurs qui devraient changer ?
  2. Penchez vous sur les chiffres de référence dans votre plan de S&E – se pourrait-il que certains résultats à la FIN du projet soient pires que vos chiffres de référence ? Par exemple, si vous avez un programme d’amélioration des moyens de subsistance, il est possible que les revenus et les moyens de subsistance baissent radicalement du fait d’un confinement national. Gérez-vous un programme éducatif ? Si les écoles sont fermées, comment comparer les résultats à la référence ?
  3. Quand vous aurez étudié votre plan de S&E, créez-en une version révisée simple que vous pourrez expliquer aux bailleurs de votre programme.
8- Expliquez ce que vous pouvez faire à distance à vos bailleurs

Quand vous appellerez vos bailleurs, ne vous contentez pas de leur présenter les indicateurs révisés du programme.

  1. Parlez leur aussi d’une chronologie modifiée. Est-il possible de décaler dans le temps le programme ou le suivi intermédiaire des indicateurs ? Quelles sont leurs attentes ?
  2. Parlez aussi de ce que vous POUVEZ faire à distance. Discutez de votre plan pour poursuivre tout ce qui peut être fait à distance
  3. Et n’oubliez pas de discuter des implications financières de ces changements de calendrier
  4. Et n’oubliez pas les implications financières des changements dans les échéances.

Pour des ressources en français en collecte de données sur mobile (MDC), référez vous au post de blog MDC Toolkit de CartONG & Terre des hommes où vous trouverez des tutoriels détaillés, une FAQ, des témoignages, un kit de visualisation des données, etc.

Par ailleurs, nous vous invitons à découvrir cet autre post de blog destiné également à adapter les processus de mise en oeuvre des projets de solidarité internationale pendant la pandémie : Crise Covid-19 : comment adapter sa collecte de données pour le suivi et la redevabilité ?

A propos du CartoBlog

Qu'est-ce que c'est ?

Le CartoBlog était le blog de CartONG avant la création de ce portail. Il a été initialement lancé en 2012 et présentait un large éventail de ressources pratiques et d'orientation pour les acteurs de l'aide humanitaire couvrant l'ensemble des sujets liés à la gestion de l'information, avec un fort accent sur la cartographie et les systèmes d'information géographique ainsi que la collecte de données sur mobile. Il sera désactivé au début de l'année 2022. La grande majorité de son contenu a été transférée sur l'IM Resource Portal.